Au cours de la dernière décennie, la contribution des géants numériques en Afrique a suscité de vives critiques. Initialement, ce débat émanait des opérateurs de télécommunications qui dénonçaient l'exploitation de leur infrastructure sans retour sur investissement. Toutefois, ce questionnement s'est élargi, intégrant des problématiques liées à la protection des données, à la nature des contenus diffusés et à la lutte contre la désinformation.
Récemment, les ministres chargés des technologies de l'information et de la communication, des télécommunications et de l'économie numérique ont franchi une étape décisive. Au sein de l'Union africaine des télécommunications (UAT), ils ont adopté la « Déclaration d’Alger sur des plateformes numériques équitables, sûres et responsables en Afrique », durant la 4ème Conférence africaine des start-up tenue en décembre 2025 en Algérie.
Ce texte établit les fondations d'un cadre réglementaire continental destiné à réguler les activités des plateformes Over-The-Top (OTT) et des grands acteurs numériques, y compris dans le domaine de l'intelligence artificielle. Ces plateformes, qui englobent les réseaux sociaux et les services de streaming, continuent de croître en Afrique, mais sont souvent soumises à la législation de leurs pays d'origine, laissant un vide considérable en matière de régulation locale.
Inspirée par le Digital Services Act de l'Union européenne, la Déclaration d'Alger aspire à transformer le statut des pays africains d'hommes consommateurs à partenaires décisionnels dans la gouvernance numérique mondiale. Ce changement est crucial, car pendant trop longtemps, les sociétés numériques ont tiré profit du marché africain sans remplacer équitablement les bénéfices ou investir localement.
Un appel à une rémunération équitable pour l'Afrique
Un des engagements clés de cette Déclaration consiste en une négociation continentale unifiée, où les nations africaines s'unissent pour dialoguer avec les entreprises OTT, leur conférant ainsi un potentiel d'influence considérable. Des obligations de contribution locale sont également imposées, lesquelles incluent le réinvestissement d'une partie des bénéfices dans les infrastructures locales et la formation de talents africains. Un point essentiel est l'exigence que « la donnée africaine demeure en Afrique », nécessitant des solutions de Cloud localisées et la mise en place d'infrastructures souveraines.
En plus des enjeux économiques, la Déclaration insiste sur la nécessité de garantir que ces plateformes soient sûres et responsables. Elle introduit des normes rigoureuses sur la transparence et la sécurité des algorithmes en matière d'intelligence artificielle. La protection des utilisateurs, en particulier celle des femmes, des enfants et des groupes vulnérables, devient également une priorité. Cette démarche vise à préserver et valoriser le patrimoine culturel africain face à la domination des contenus internationaux.
Selon le ministre algérien de la Poste et des Télécommunications, Sid Ali Zerrouki, cette déclaration répond à une demande impérieuse d'encadrer juridiquement le positionnement du continent dans l'écosystème numérique mondial. Le secrétaire général de l'UAT, John Omo, a salué ce texte comme un tournant pour renforcer la diffusion numérique en Afrique. Il insiste sur la nécessité d'engager un dialogue constructif avec les plateformes internationales, notamment sur des sujets comme la gestion des données et la protection des consommateurs.
« Il est temps d'analyser les avantages que le continent tire des activités des géants numériques et de discuter ensemble de l'avenir de la circulation des données et de leur sécurité », a-t-il déclaré. Cependant, la question demeure : ce mécanisme de régulation unifiée pourra-t-il réellement être activé dès 2026 ?







