En seulement trois ans, la France a vu disparaître près de 40 000 petites exploitations agricoles, un phénomène alarmant qui soulève des interrogations sur l'avenir du modèle agricole français. Selon Terre de Liens, le nombre de petites fermes est passé de 390 000 en 2020 à 349 000 en 2023, représentant une chute de 10 % en un laps de temps extrêmement court.
À long terme, le constat est tout aussi grave : depuis 1988, 90 % des territoires en France ont vu leur nombre d’exploitations agricoles diminuer de plus de la moitié. Par exemple, la région Île-de-France ne compte plus que 4 400 fermes, contre 9 700 il y a trois décennies. En Bretagne, région traditionnellement agricole, le chiffre a chuté de 93 000 à seulement 26 000 exploitations en période similaire.
Des enjeux économiques et sociaux
Pour José Perez, président de la Coordination rurale en Lot-et-Garonne, l'État joue un rôle dans cette crise. « Le gouvernement nous tire vers le bas, et ces disparitions découlent de problèmes de longue date contre lesquels les agriculteurs luttent depuis des années », déplore-t-il. Les accords de libre-échange, comme celui avec le Mercosur, sont souvent critiqués par des acteurs du secteur tels qu'Hélène Laporte, députée Rassemblement national, qui avertit que « nos agriculteurs doivent être protégés d'une concurrence déloyale, même au sein de l'Union européenne ».
La perte des petites exploitations agricoles « constitue un enjeu économique et patrimonial majeur pour la France », souligne la députée. La plupart des petites fermes ont été absorbées par des structures plus grandes, indiquant une transformation significative du paysage agricole. « L'image de la petite ferme à taille humaine s'érode chaque jour davantage », constate Colline Savran de Terre de Liens, qui insiste sur leur importance pour la diversité des productions et l'entretien des paysages.
L'agrandissement des exploitations
Cette tendance à la disparition des petites fermes s'accompagne d'une forte baisse du nombre d'agriculteurs. En France, on comptait 1,5 million d'agriculteurs en 1970, contre environ 500 000 en 2020. Cette situation est en grande partie due à la flambée des prix des terres agricoles, qui sont passés de 4 400 euros à plus de 6 000 euros l'hectare entre 1994 et 2022, selon l'[INSEE](https://www.insee.fr).
Depuis les années 60, l'État a favorisé la mécanisation agricole, incitant les agriculteurs à transmettre leurs terres. « Les agriculteurs doivent s'unir pour survivre et améliorer leur rentabilité, car il devient de plus en plus difficile de vivre de leur travail », explique José Perez. Au Lot-et-Garonne, la situation est similaire, avec une chute importante des petites fermes qui passent de 14 000 en 1988 à 5 800 aujourd’hui.
Des solutions possibles
Pour contrer cette tendance inquiétante, Terre de Liens propose plusieurs solutions, telles que la facilitation de l'accès à la terre pour de nouveaux agriculteurs et la protection du foncier agricole. À proximité des élections municipales, l'association rappelle l'importance de mobiliser les élus locaux.
Hélène Laporte plaide pour une action de l'État afin de freiner l'artificialisation des sols et d'améliorer l'accès à la terre pour les jeunes agriculteurs. Elle a également proposé d'inscrire dans le Code rural un principe de priorisation de la production agricole sur d'autres usages des sols.
Monflanquin : un exemple révélateur
La commune de Monflanquin, avec ses 2 500 habitants, illustre cette problématique. Elle est passée de 160 petites fermes en 1988 à seulement 67 en 2020. Malgré la spécialisation dans l'élevage de bovins et de volailles, la perte de fermes reste marquée. La maire, Nathalie Founaud-Veysset, souligne l'importance de rester « à l'écoute des agriculteurs » et de repérer ceux en détresse, mais elle admet que la commune ne peut stopper les restructurations. Actuellement, 18,5 % de la surface agricole est exploitée en bio, et la cantine scolaire sert 50 % de repas biologiques et locaux.







