La promesse était audacieuse : la croissance verte aurait dû positionner l'Europe comme un leader mondial en matière de compétitivité. Cependant, cette ambition s'effrite face aux réalités économiques et technologiques. En matière de décarbonation, les entreprises se tournent d'abord vers l'efficacité énergétique, cherchant à réduire leur consommation. C'est un choix bénéfique à la fois pour l'environnement et pour leur rentabilité. Mais, à mesure que les entreprises avancent, la situation se complique.
Après avoir optimisé leur consommation, la prochaine étape consiste à récupérer l'énergie perdue, une démarche souvent coûteuse et lourde en investissements. Les retours sur investissement prennent du temps, et sans subventions publiques, de nombreuses entreprises pourraient se retrouver en difficulté financière.
En fin de compte, la transition vers une énergie plus propre expose un obstacle majeur : le coût des énergies renouvelables. Malgré les initiatives, le gaz reste la source d’énergie la plus économique, souvent deux à trois fois moins cher que l'électricité. En ce sens, l'enjeu de la compétitivité est palpable, surtout pour des pays comme la France qui, malgré un parc électronucléaire presque complètement amorti, ne parvient pas à équilibrer coût et écologie.
Une concurrence féroce avec la Chine
Sur le plan macroéconomique, le Pacte vert européen ambitionnait de transformer ces défis en opportunités, espérant que la suppression progressive des carburants fossiles permettrait à l'Europe de prendre le lead sur les technologies vertes. Cependant, cette ambition se heurte à une dure réalité : l’Europe est désormais distancée par la Chine et d'autres pays comme les États-Unis. Alors que les technologies de batteries évoluent rapidement en Asie, l’Europe commence à peine à se réveiller de son endormissement technologique.
Des experts comme Jean-Marc Jancovici soulignent que l'Europe n’a pas su anticiper ces évolutions. Avec des productions de panneaux solaires largement dominées par la Chine et des véhicules électriques qui arrivent par conteneurs à Amsterdam, le vieux continent semble avoir raté le train. Les investissements dans des infrastructures durables stagnent, et les entrepreneurs se battent constamment pour une part de marché de plus en plus restreinte face à une offre asiatique irrésistible.
La taxe carbone : une illusion salvatrice ?
La mise en place d'une taxe carbone aux frontières pourrait sembler un outil adéquat pour réguler les importations, mais sa complexité pourrait bien la rendre inefficace. S'il est vrai qu'elle vise à protéger certaines industries européennes, la réalité est plus sombre : plusieurs produits échappent à ce contrôle, laissant les industries locales exposées à une concurrence déloyale.
Comme le note François Gemenne, spécialiste en climat au CNRS, la taxe carbone ne pallie pas le manque de compétitivité technologique de l'Europe. Le processus d'instauration est déjà synonyme de complexités administratives qui freinent son élargissement. Ainsi, les coûts d'adaptation et les contraintes réglementaires pourraient bien finir par étrangler la compétitivité des entreprises européennes.
Reste à savoir comment l'Europe peut renverser la vapeur. Ignorer le besoin pressant d'une transformation énergétique serait une erreur fatale. Les échanges de bonnes pratiques entre pays sont nécessaires et pourraient offrir des solutions, mais encore faut-il avoir le courage d'adopter des changements radicaux dans notre modèle économique. Comme l'affirme l'économiste Philippe Aghion, « il est impératif de se concentrer sur l'innovation durable pour éviter de rester en marge de la révolution verte ». L'Europe est à un tournant décisif. Il est temps de redéfinir notre ambition de croissance verte, sinon nous pourrions bien perdre la voie vers un avenir durable.
