La question de la pension de réversion, qui permet à un conjoint survivant de percevoir une partie de la retraite d’un partenaire décédé, suscite un débat croissant dans notre société contemporaine. En 2024, ce dispositif représente 38,7 milliards d'euros et concerne près de quatre millions de retraités, mais son rôle dans la préservation du niveau de vie des veufs et des veuves est souvent interrogé.
Un rapport publié par l’Institut des politiques publiques (IPP) et l’Institut national d’études démographiques (Ined) révèle un paradoxe fondamental : alors que le système de retraite français repose sur un principe individualiste, axé sur les cotisations de chacun, la pension de réversion se présente comme une exception notoire. Ce mécanisme, bien qu’efficace dans le maintien du niveau de vie des conjoints survivants, se heurte à un modèle qui fait de l’individu le protagonist de sa propre retraite.
Un consensus se dégage au sein du Conseil d’orientation des retraites (COR), qui affirme que la réversion vise principalement à garantir le niveau de vie du conjoint survivant. Cependant, cela soulève plusieurs questions, surtout si l’on considère que d’autres formes de cohabitation, comme le Pacs ou l’union libre, ne bénéficient pas de ce soutien. En effet, les personnes en couple non marié, qui n’ouvrent pas droit à la réversion, voient leur niveau de vie plonger considérablement en cas de décès de leur partenaire, créant une inégalité importante.
Pour illustrer ces enjeux, les données de l’IPP révèlent des écarts significatifs en fonction du statut conjugal. En 2020, 64 % des hommes et 56 % des femmes étaient mariés à l'entrée à la retraite. Alors que les hommes mariés touchent en moyenne 2 160 euros de retraite, les hommes divorcés ou célibataires perçoivent respectivement 1 830 et 1 360 euros. Côté féminin, les femmes mariées affichent une pension de 1 330 euros, un chiffre inférieur à celles qui sont célibataires ou divorcées.
Ce contexte provoque un système où la mutualisation des ressources au sein d'un couple marié compense les disparités de revenus. Les femmes mariées, avec une retraite personnelle modestement basse, voient leur niveau de vie se porter à 2 340 euros par mois grâce à ce partage des ressources. Pour les hommes, bien que leur retraite individuelle puisse baisser, les économies d'échelle de la vie en couple font pencher la balance vers la hausse.
La question de la réversion en elle-même pose des défis intéressants. Alors que la réversion permet au conjoint survivant de maintenir, voire d'augmenter son niveau de vie, qu’en est-il des personnes en union libre ou pacsées ? Selon l’économiste Marie-Claire Carrère-Gée, « il est essentiel de développer une approche plus inclusive qui reconnaisse les différentes formes de partenariat ».
Pour conclure, les experts appellent à une mise à jour du système de retraite, axée sur trois axes principaux : la compensation des effets de la parentalité sur les carrières, la prise en compte des personnes vivant seules, et le prolongement de la solidarité financière des couples après le décès. Ces propositions pourraient transformer la pension de réversion en un outil d'égalité, répondant aux exigences d'une société en pleine mutation et aux divers modes de vie qui la composent.







