Ils sont des vétérans aguerris, adeptes de guerres asymétriques, et se retrouvent aujourd'hui en Ukraine et au Soudan, séduits par des rémunérations juteuses. Les mercenaires colombiens, souvent issus de l'armée, se laissent tenter par l'appât du gain dans des conflits qui ne sont pas les leurs.
Le phénomène du mercenariat colombien remonte aux années 1990, avec des soldats déjà engagés en Afghanistan et dans les Balkans. Cependant, ces dernières années, leur présence s'est intensifiée dans des zones de conflit actuelles, notamment en Ukraine et au Soudan. Le contexte économique précaire en Colombie, combiné à des difficultés de réinsertion socioprofessionnelle, pousse ces anciens militaires à s'expatrier pour des salaires qui peuvent aller jusqu'à 3.000 euros par mois, soit six fois plus que ce qu'ils pourraient gagner dans leur pays, selon des analystes comme Pierre Gerstlé, directeur des relations internationales à l'Universidad Externado de Colombia.
Ces hommes, âgés de 35 à 45 ans, possèdent une expertise précieuse en tactiques de contre-guérilla. Leurs compétences attirent l'intérêt des sociétés de sécurité privées basées à Dubaï et Abou Dhabi. Par exemple, l'entreprise colombienne Academy for Security Instruction (A4SI) recrute ces vétérans pour soutenir les Forces de soutien rapide au Soudan. En Ukraine, leur rôle est souvent appréhendé sous le prisme de la légion étrangère, bien qu'ils soient en réalité rémunérés de manière substantielle pour renforcer les rangs de l'armée ukrainienne, affirment plusieurs sources.
Une réalité difficile à ignorer est la dangerosité de ces missions. En agissant en tant que mercenaires, ils s'exposent non seulement au risque d'être tués ou blessés, mais également à des accusations de crimes de guerre, selon des experts en droits humains. En août dernier, un tragique incident a fait 40 morts parmi ces mercenaires lorsqu'un avion transportant des Colombiens a été abattu par l'armée soudanaise.
Plusieurs acteurs du domaine de la sécurité affirment que ce phénomène est symptomatique d'un mal plus profond en Colombie, où de nombreux soldats, sans avenir dans l'armée régulière, choisissent de suivre cette voie incertaine. « Ils se battent non pas pour une idéologie, mais pour un simple salaire », résume Pierre Gerstlé.
Comme le note César Niño González, professeur en Relations internationales à l'Université La Salle à Bogotá, la situation reste préoccupante : "La Colombie peine à enrailler le flux des départs, et le gouvernement doit agir pour offrir des alternatives viables aux jeunes militaires". Entre la quête de gains tangibles et les implications morales de leurs choix, les mercenaires colombiens naviguent sur un terrain de guerre où les lignes de front deviennent floues, tout cela pour un meilleur avenir.







